Le terrain : base la qualité du travail journalistique?

Le mouvement de Gilets jaunes a bousculé le monde du journalisme et ses représentants. Les médias se sont vu reprocher par une partie du public d’avoir focalisé sur les violences des grands rassemblements hebdomadaires, citadins et visibles –médiatiques ! – alors que le mouvement recelait d’autres aspects moins mortifères et tout aussi révélateurs : des histoires locales, faites de politique, de dialogues et de chaleur humaine. Certes des journalistes ont aussi raconté cet aspect de l’aventure des Gilets jaunes, mais de manière moins univoque, moins visible et parfois même en réaction au flot de travaux de confrères dont ils n’étaient pas satisfaits.
Dans les entretiens que nous avons menés, le thème du « terrain », omniprésent, a semblé servir à rééquilibrer une balance qui penchait vers un traitement trop univoque et sans doute biaisé du mouvement. Ainsi pour beaucoup de journalistes interrogés, l
e terrain et le temps qu’on y passe est systématiquement corrélé à la bonne compréhension du mouvement des Gilets jaunes, et donc à la qualité de l’information qu’on est à même de proposer. Dans nos entretiens, le thème du terrain cristallise, d’une part, une dichotomie médiatique (un « fossé », un « monde ») entre le local et le national, entre Paris et le reste du territoire, lorsqu’il serait impossible de comprendre ce qui se joue véritablement en ne se rendant que brièvement sur le terrain, c’est-à-dire hors de Paris. Mais face aux « experts », aux éditorialiste de plateaux, une figure du journalisme se détache et semble à même de proposer une information connectée au réel : le localier. Ensuite, et c’est lié, mobiliser le thème du terrain dans les discours permet aussi aux journalistes interviewés de s’interroger sur leurs pratiques : le live, l’interview, le montage… et de (re)convoquer une sorte de panel de fondamentaux, de « bonne pratiques » : car en dernière analyse, semblent-ils nous répéter, la base du travail d’un journaliste est encore et toujours d’aller sur le terrain rencontrer des acteurs pour témoigner sur des faits grâce à un savoir-faire professionnel ad hoc. Point barre.

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